Les Éditions Dupuis ont annoncé, dans un émouvant communiqué (dont l'on reprend ci-dessous la teneur essentielle), le décès de l'illustre scénariste Raoul CAUVIN, qui nous a quittés le 19 août, des suites d'une longue et (celle-ci) terrible maladie... Il avait 82 ans...
L'auteur est né en Belgique, à Antoing (province de Hainaut.), en... 1938, la même année que Spirou ! et de plus un 26 septembre, jour auquel paraîtra (en 1946) le n° 1 du Journal de Tintin... Comment douter, dès lors, qu'il était prédestiné à faire carrière dans la BD ?...
Cauvin connaît une enfance heureuse, au sein d’une famille (catholique) modeste, puis suit, pendant cinq ans, des études de lithographie publicitaire... avant de découvrir que cette profession n'existait plus depuis l’avant-guerre ! Il expérimente alors différents petits boulots, notamment... peintre de boules de billard - d'où lui naîtra un goût prononcé pour ce jeu, où le risque ne dépasse guère une tournée générale !
Il entre aux Éditions Dupuis en 1960, comme lettreur, avant de devenir cameraman au département « Dessins animés » où il restera sept ans. C'est au cours de cette période qu'il se découvre la passion du scénario, à laquelle Charles Dupuis en personne lui propose de s'essayer. Cauvin fera ses premières armes avec Ryssack (Arthur et Léopold), Gennaux (L'Homme aux phylactères, etc.), Degotte, Carlos Roque ou encore Vittorio. Dès 1965, Cauvin apparaît au générique du journal Spirou.
En 1968, double chance pour Raoul Cauvin : Morris quitte Dupuis, y laissant le genre « western » comique orphelin; et Thierry Martens remplace Yvan Delporte, licencié par Charles Dupuis, et qui avait inexplicablement (jalousie d'auteur ?...) traité par le mépris toutes les tentatives scénaristiques de Cauvin. Ce dernier crée alors avec Louis Salvérius la série « Les Tuniques bleues », une bande dessinée d'humour sur fond de guerre de Sécession, aussitôt appréciée des lecteurs. À la mort de Salvérius, en 1972, Willy Lambil en reprendra le dessin. Ensemble, le duo en fera l'un des succès absolus de Dupuis, avec 64 albums, tirés à plus de quinze millions d'exemplaires vendus (en français), et d'innombrables traductions à travers l'Europe.
Volontiers sollicité par les dessinateurs en mal de scénario, Raoul se consacre progressivement à l'écriture, et finit par abandonner son poste de cameraman, et de responsable d'une vieille photocopieuse travaillant pour l'ensemble des services de Dupuis. Il collabore alors avec un... bataillon d'auteurs : Berck (Sammy...), Mazel (Câline et Calebasse, puis Boulouloum et Guiliguili et Les Paparazzi), Macherot (Mirliton), Walthéry (Le Vieux Bleu), Counhaye (Les Naufragés de l'espace), Lambil (Pauvre Lampil), Kox (L'Agent 212), Sandron (Godaille et Godasse), et bien d'autres... Sans oublier Nic Broca (Spirou et Fantasio), le temps de trois albums injustement sous-estimés - cette reprise lui laissant un goût amer...
Dans les années 80, tout en poursuivant son exploration du comique tous publics, Cauvin se tourne vers des séries proches de l'humour noir et de la parodie délirante, comme Pierre Tombal (avec Hardy), ou encore la reprise de Sammy avec Jean-Pol (qui succède à Berck).
Rares sont ses échecs, car son imagination, la qualité de ses dialogues et le métier mis dans ses découpages (livrés complets à ses auteurs) parlent en ligne directe au grand public, dont il se sent extrêmement proche.
Travailleur compulsif, il régale ses lecteurs d'une petite quinzaine d'albums nouveaux par an, la plupart prépubliés dans le journal Spirou, pour lequel il réalise en outre de nombreuses histoires courtes et animations délirantes, allant même un jour jusqu'à raser sa légendaire moustache !
Après des décennies passées à amuser des générations de lecteurs sans cesse renouvelées, Raoul Cauvin a la modestie et l'élégance de se retirer progressivement de certaines séries, dont ses mythiques Tuniques Bleues, pour lesquelles il écrit un dernier tome, le 64. Mais l'aventure continue, car Cauvin, que la gloire ne travaille décidément pas, sait laisser ses chers personnages à d'autres scénaristes, comme Munuera, le duo BeKa, ou Kris. Sur d'autres séries, Raoul fait subtilement évoluer sa technique de travail, laissant les dessinateurs intervenir sur le scénario - par exemple sur L'Agent 212.
Cauvin aimait le contact avec ses collègues, au point de conserver ses fonctions chez Dupuis malgré ses succès de scénariste, prenant officiellement sa retraite le 26 septembre 2013. Dans son bureau, trônait le divan – devenu mythique – où il s’étendait le temps de laisser mijoter ses futures histoires...
Modeste - trop ! - mais fier d’être un auteur populaire, Raoul Cauvin est devenu une véritable statue du Commandeur des scénaristes. Il était irrésistiblement drôle, inattendu, capable de
s'illustrer dans la majeure partie des univers qu'il s’est choisis; il a durablement codifié la mécanique du gag et les canons de l'aventure humoristique
.
Cauvin, qui n'a jamais couru après les honneurs et la reconnaissance académique, reçut quand même le prix Saint-Michel à 5 reprises. S'il fut honteusement oublié par les jurys des
prix prestigieux, il a obtenu le plus précieux : celui que lui ont déjà décerné des dizaines de
millions de lecteurs, qu’il a fait rire tout en leur proposant des
histoires souvent émouvantes. Véritable épine dorsale de Dupuis, il aura enrichi son catalogue de plus de 500 titres, représentant plus de 50 millions d'albums vendus. Ses plus grandes séries sont d'ores et déjà entrées au Panthéon de la bande dessinée, à la suite des Tuniques Bleues... On lira toujours des albums de Raoul Cauvin, dans le futur, alors que bien d’autres pensums
honorés des jurys auront été effacés des mémoires depuis longtemps !
N.-B. : Comme attendu et espéré, l'hebdomadaire Spirou lui consacrera dans peu un n° spécial, auquel sont conviés tous les Auteurs souhaitant lui rendre hommage...
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